La rumeur courait depuis plusieurs jours. Pourtant, elle semblait presque trop grosse pour être vraie. Un PDG de compagnie pétrolière à la tête d'une conférence sur le climat ? Et pourtant, c'est le choix qui a été fait.
Les Émirats arabes unis, où se tiendra la COP28 en novembre et décembre, ont annoncé le 12 janvier 2023 la nomination de Sultan Al Jaber à la présidence de la conférence sur le climat. Ministre de l'Industrie, fondateur d'un groupe d'investissement dans les énergies renouvelables et surtout PDG d'une compagnie pétrolière.
C'est la première fois que le président d'un groupe pétrolier - et plus largement d'une entreprise - exerce cette responsabilité de chef d'orchestre des négociations climatiques, celui qui doit permettre aux 196 pays de trouver des compromis pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique. Une double casquette qui pose question, alors que le changement climatique est principalement causé par la combustion d'énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz.
Cette nomination a suscité de vives critiques de la part des défenseurs de l'environnement.
"La nomination du sultan Ahmed al-Jaber comme président de la COP28, alors qu'il occupe le poste de PDG de la compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi, constitue un scandaleux conflit d'intérêts", a réagi la Commission européenne. Harjeet Singhde l'organisation Climate Action Network International.
"La menace constante des lobbyistes des combustibles fossiles lors des négociations des Nations unies sur le climat a toujours affaibli les résultats de la conférence sur le climat, mais cette situation atteint un niveau dangereux et sans précédent", a-t-il ajouté.
En tant que président de la COP, il sera donc chargé de mener à bien les négociations internationales sur le climat. Un rôle majeur de chef d'orchestre, à la fois politique et technique. "Le rôle d'un président de COP n'est pas de faire prévaloir ses propres idées, c'est d'aider à trouver une solution", expliquait-il en 2015. Laurent Fabius, qui a présidé la COP21 à Paris.
"Le choix du PDG de la société pétrolière d'Abou Dhabi en tant que responsable du climat paraîtra curieux à beaucoup", a récemment déclaré Ed King, un expert de la diplomatie climatique. "Al Jaber plaide officiellement en faveur d'une augmentation des investissements annuels dans les combustibles fossiles de $600 milliards de dollars américains jusqu'en 2030", rappelle-t-il.
"Nous devons avancer avec pragmatisme", a déclaré Sultan Al Jaber en 2021, lors de l'Adipec, le plus grand rassemblement annuel de professionnels de l'industrie énergétique au monde.
Un pays loin d'être un bon élève en matière de protection du climat
Les Émirats arabes unis figurent parmi les cinq plus gros émetteurs de CO2 par habitant de la planète, juste après le Qatar voisin. Si ce petit État tente de se défaire de son image de gigantesque pollueur en affirmant par exemple viser la neutralité carbone d'ici 2050, il dépend encore largement de la production de pétrole et de gaz.
Sultan Al Jaber a beau croire aux énergies renouvelables, il ne doit pas oublier d'où il vient. Celui qui aura 50 ans à l'ouverture de la Cop a étudié la chimie, le commerce et l'économie dans des écoles prestigieuses aux Etats-Unis et en Angleterre grâce à une bourse d'études octroyée par Adnoc.