Dans moins de deux semaines et après 16 ans de leadership, Angela Merkel se retirera de l'arène politique. Non seulement l'Allemagne aura un nouveau chancelier, mais les prochaines élections dévoileront le visage de celui qui deviendra un acteur crucial du paysage politique international. L'Allemagne possède la plus grande économie de l'Union européenne et est l'un des principaux alliés des États-Unis. Le 26 septembre sera donc un point de bascule pour l'avenir du monde occidental, dans une période où il y a une menace de changement de puissance avec la montée en puissance de la Chine.
En avril dernier, une vague d'enthousiasme et des sondages indiquaient qu'Annalena Baerbock, codirigeante du parti vert allemand (Bündnis 90/ die Grünen en allemand), était susceptible de devenir la nouvelle chancelière. Cette possibilité s'est progressivement évanouie, car son équipe n'a pas réussi à gérer les différentes crises de réputation auxquelles la dirigeante a été confrontée. Elle a a été accusée de plagiat par des citations peu rigoureuses dans son livre récemment publié, a menti sur son CV et surtout, a eu une réaction lente aux inondations qui ont frappé l'Allemagne l'été dernier.
Même si l'Allemagne devra probablement attendre encore quatre ans avant d'aspirer à voir une autre femme chancelière, les sondages semblent indiquer que, quelle que soit la coalition qui l'emportera, Mme Baerbock et son parti en feront partie. Elle et les Verts représenteront sans aucun doute une voix forte au Bundestag, le Parlement allemand. Baerbock, son point de vue et le parti des Verts sont donc d'une importance capitale pour les Allemands et leur avenir.
Qui est Anna Baerbock ?
Ancienne trampoliniste, militante depuis son plus jeune âge et mère de famille, Annalena Baerbock est coprésidente du parti vert allemand. Elle a une vision claire de ce qu'elle veut pour l'Allemagne : Une politique verte, indissociable de la mise en place d'un filet de protection sociale plus solide. Elle veut relancer l'Allemagne dans les relations internationales, et ce grâce à une forte intégration au sein de l'Union européenne. Union européenne.
Qu'est-ce que les Verts pourraient faire dans la nouvelle coalition que Merkel ne pourrait pas faire ?
La grande question reste de savoir qui sera en mesure de remplacer un homme politique aussi respecté que le chancelier sortant? La popularité d'Angela Merkel repose en grande partie sur sa capacité à gérer les crises, du choc économique de 2008 à la crise migratoire de 2015. Elle porte d'ailleurs le surnom de "Mutti", car elle était considérée comme une mère pour avoir réduit les dégâts de ces crises sur les Allemands.
Mais comme Malte Lehming souligne que même si elle est admirée pour sa façon de faire face aux crises, elle n'a pas réussi, aux yeux de beaucoup, à les résoudre correctement. Elle a négligé plusieurs questions importantes pour les électeurs allemands, : la pandémie, le changement climatique et la concurrence géopolitique. Il faut pour cela rompre le statu quo, ce qu'une Angela Merkel de 67 ans et sa préférence pour la stabilité n'était pas disposée à faire. Merkel et sa préférence pour la stabilité n'était pas prête à le faire.
D'autre part, Mme Baerbock semble déterminée à bousculer le paysage politique allemand. Elle est prête à s'attaquer à la criss que Mme Merkel a largement laissés de côté, la décarbonisation de l'industrie allemande, le sevrage de l'alcool et l'amélioration de la qualité de l'air.g l'abandon du charbon par le pays au profit des énergies renouvelables et la réorganisation des relations commerciales avec des concurrents stratégiques tels que l'Union européenne, l'Union européenne et l'Union européenne. Chine et Russie. Elle a en effet affirmé sa volonté de renforcer les liens transatlantiques, clairement mis en avant dans leur programme politique, avec "nouvel agenda transatlantique".
En outre, la volonté de die Grünen de lutter pour les droits de l'homme et les valeurs démocratiques semble s'aligner sur la rhétorique de Biden, du moins sur le papier. Cette vision et cet objectif de défense des droits de l'homme pourraient être considérés comme une cible implicite de la montée en puissance de grandes puissances comme la Chine. C'est pourquoi l'administration Biden semble si optimiste à l'égard des Verts allemands, comme le souligne le spécialiste des relations germano-américaines. Jeffrey Rathke soulève.
Quels sont les principaux défis auxquels ils seront confrontés ?
Die Grünen ont certes un programme ambitieux et bien défini, mais le chemin pour mettre en œuvre la plupart de leurs promesses n'est pas facile.
D'une part, ils devront faire face aux problèmes inhérents au système politique allemand. Ils devront contrebalancer les complications que l'on peut rencontrer dans un système parlementaire. Comme aucun parti n'a tendance à avoir une majorité unique dans un système proportionnel, des coalitions devront être formées, et les compromis qui seront trouvés façonneront leur politique. Dans quelle mesure les Verts peuvent-ils mettre en œuvre les politiques qui font partie de leur programme politique ?
Si nous prenons le scénario le plus plausible, dans lequel il y aura une coalition Traffic light, un clin d'œil aux couleurs respectives des partis (Vert, Jaune et Rouge), qui sont respectivement les Verts, le Parti Démocratique Libre et les Sociaux Démocrates ou SDP)
Comme les Verts partagent la plupart de leurs valeurs avec les sociaux-démocrates, cela pourrait permettre un dialogue fluide où des accords sont susceptibles d'être conclus. Mais certains désaccords majeurs sont déjà sur la table : Le SPD veut atteindre la neutralité carbone en 2040, ce qui est largement insuffisant aux yeux des Verts. Cette situation ne peut qu'être accentuée par le FDP (Free Democratic Party), un parti de centre-droit qui prône un marché libre et une réglementation moins stricte, ce qui est tout à fait contraire à l'agenda politique social des Verts. Cette situation ne pourrait que s'aggraver si la coalition finissait par se former avec les conservateurs, ou l'Union chrétienne-démocrate.
Géopolitique et Europe
Même si ce qui les rapproche des États-Unis, et plus particulièrement de l'administration Biden, c'est leur attachement à leurs valeurs, leur vision sur bien d'autres points peut légèrement différer. La récente déclaration de Baerbocks sur le retrait des États-Unis de la Afghanistan est un exemple clair des désaccords potentiels à venir. Ils devront être prêts à faire des concessions, ce que le parti vert d'Allemagne devra faire sans perdre la crédibilité auprès de ses électeurs qui l'a mené si près de la victoire.
La politique européenne, elle, n'est pas moins tumultueuse. Bien au-delà du Brexit, plusieurs dichotomies entre les différents États membres commencent à faire surface de manière plus accentuée à chaque fois que l'Union fait face à une crise. Un exemple peut être les différences Nord-Sud (Pays-Bas, Allemagne et Scandinavie vs. Espagne, Portugal et Italie respectivement) qui ont provoqué des tensions au début de la crise de Covid concernant les programmes d'aide. Bien que cela se soit avéré être une victoire diplomatique, conduisant à la mise en œuvre de l'accord de Cotonou, l'Union européenne n'a pas réussi à s'entendre. Plan de relance européenIl a souligné le fossé qui sépare les différents pays européens à chaque fois que l'Union est confrontée à une situation d'urgence, ce qui rend plus d'un sceptique à l'égard de la cohésion de l'UE.
Le parti écologiste et sa coalition devront donc être à la hauteur pour reprendre la tête de l'Union européenne, et ce avec Macron dont le mandat s'achève en 2022 et dont la réélection n'est pas garantie.
Dans l'ensemble, le retrait de Mme Merkel marque certainement la fin d'une époque, et cela va bien au-delà du simple fait que nous nous sommes tous habitués à la voir dans les sommets mondiaux. Mme Merkel représentait la stabilité et, surtout, elle était le symbole vivant du triomphe d'une Allemagne unie, étant elle-même originaire de la partie communiste du pays dans les années cinquante. En tant que Cerstin GammelinComme le souligne le journaliste du journal allemand Süddeutsche Zeitung, aucun des candidats actuels n'est né en Allemagne de l'Est.
Comment cela doit-il être perçu ? Le fait qu'un parti vert ait émergé en tant qu'acteur politique majeur témoigne d'un désir évident de changement de la part des Allemands. Nous pourrions être face à l'aboutissement final d'une nation qui s'est reconstruite et qui a su laisser son passé derrière elle pour aller de l'avant.
Ce vent d'espoir ne doit cependant pas nous faire perdre de vue une autre vérité très alarmante : pour la première fois de son histoire récente, l'Allemagne compte un parti populiste d'extrême droite au sein du Bundestag. L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui vise à se retirer de l'UE et de l'accord de Paris et à rétablir le service militaire, est en plein essor.
Sommes-nous donc à l'aube d'une révolution ou d'une nouvelle polarisation de la sphère politique ? Seul l'avenir nous le dira, et nous devrions certainement garder un œil sur les événements à venir. Jusqu'à présent, les élections allemandes constituent l'un des événements les plus importants de cette année pour l'avenir de notre planète, et cette élection sera sans aucun doute le fer de lance du monde occidental. Une seule chose reste donc certaine : pour le meilleur ou pour le pire, le changement arrive.
Anne Hamon Martinez