L’année 2020 a marqué plus de changements politiques dans le petit pays balkanique du Monténégro que depuis l’introduction du système multipartite démocratique il y a plus de 20 ans.
En août, les élections parlementaires ont vu la perte électorale du Parti démocratique des socialistes du Monténégro (DPS) pour la première fois depuis les élections de 1990. Par ailleurs, le 4 décembre 2020, le Parlement du Monténégro, sous la direction du nouveau Premier ministre, Zdravko Krivokapic, a élu le Dr. Dritan Abazovic au poste de Vice-Premier ministre, représentant un nouveau parti social-libéral monténégrin, progressiste et vert, connu sous le nom de “Action de réforme Unie” (URA).
Après des décennies de répression politique et de régime à parti unique, Abazovic et l’URA cherchent à utiliser leur rôle au sein du gouvernement pour être le facteur de transition qui aidera les systèmes politiques et la société monténégrine à adopter des valeurs européenes plus ouvertes.
Action de réforme unie (URA)
Fondée en 2015, l’URA a rapidement évolué pour devenir un parti politique important au Monténégro. En formant une coalition lors des élections législatives de 2016 avec l’Alliance démocratique (DEMOS) et le Parti socialiste du peuple (SNP), l’URA a été reconnue par les électeurs. La coalition a obtenu plus de 40 000 voix et a gagné deux sièges au Parlement.
Choisissant de se présenter de manière indépendante en 2020, l’URA a mené une campagne qui a favorisé les idées de lutte contre la corruption, de améliorer la stabilité économique et de renforcer l’intégration européenne. L’URA a remporté 22 679 voix, ce qui équivaut à 5,5 %, ainsi que quatre sièges au Parlement. Ces 4 sièges se sont avérés cruciaux, combinés aux 27 sièges de For the Future of Montenegro, et aux 10 sièges de Peace is our Nation, soit un total de 41 des 81 sièges parlementaires, remportant une majorité et battant le gouvernement du DPS pour la première fois dans l’histoire électorale de la nation.
Cette victoire a été suivie par l’élection de Dritan Abazovic au poste de vice-premier ministre dans le cabinet du premier ministre Krivokapic.
Les membres de la commission de l’URA ont déclaré que l’URA est un parti multiculturel et pro-européen, qui entretient de bonnes relations avec les ONG locales et divers groupes de citoyens, et que le parti bénéficie d’un fort soutien dans les régions du sud et du centre du pays. Comme Dritan Abazovic est d’origine albanaise, l’URA est devenu le premier parti civique à avoir élu une minorité à la présidence du parti dans l’histoire du Monténégro.
En termes de protection de l’environnement, l’URA comprend et pratique des politiques vertes. Milan Dakovic, président du Comité des jeunes de l’URA, affirme qu’ils participent à plusieurs projets, notamment la protection d’écosystèmes importants au Monténégro. Vladana Lompar, conseillère à l’Assemblée de l’ancienne capitale royale et membre de l’URA, déclare que le Monténégro étant un État écologique, “notre politique d’État doit être entièrement axée sur la protection de toutes les [richesses] naturelles et du patrimoine qui rendent le Monténégro unique. . . La promotion d’une économie verte nous offrira davantage de possibilités d’emploi et de développement, conformément aux normes européennes”.
“LE MONTENEGRO VERT EST LE MONTENEGRO EUROPÉEN”
Vladana Lompar, conseillère à l’Assemblée de l’ancienne capitale royale
L’URA maintient également l’objectif de faire officiellement du Monténégro un État membre de l’Union européenne. Candidat en 2008, le Monténégro a le statut de “pays candidat” depuis 2012. Pour adhérer à l’UE, les États doivent satisfaire à certaines normes, qui sont définies dans les 35 chapitres politiques de l’UE, dont le Monténégro a achevé ou est en train d’achever 30. Dritan Abazovic a déclaré : “Nous sommes un parti pro-européen, et nous essayons de promouvoir la très bonne politique de voisinage. Nous croyons vraiment que le Monténégro fera bientôt partie de l’UE”.
Dr. Dritan Abazovic, vice-premier ministre
Né à Ulcinj, au Monténégro, dans une famille albanaise, Dritan Abazovic a obtenu une baccalauréat en sciences politiques à l’université de Sarajevo, puis une maîtrise à l’université du Monténégro, ainsi qu’un doctorat en sciences politiques.
Entré en politique en 2014, Abazovic s’est rapidement retrouvé le plus jeune membre du Parlement cette année-là, et est actuellement l’un des plus jeunes vice-premiers ministres du Monténégro de l’histoire, à l’âge de 34 ans. Il a rejoint l’URA en 2015 et en est devenu le président en 2017. Abazovic s’est battu pour aider le parti à être reconnu dans le pays et a aidé l’URA à devenir membre candidat du Parti Vert Européen en juin 2020.

À propos de la perspective de rejoindre les Verts européens, Abazovic a déclaré : “Rejoindre la famille des Verts nous aidera certainement à renforcer cette position en tant que parti. Nous espérons collaborer étroitement et développer des projets et des actions communes avec d’autres membres du PVE, pas seulement pour renforcer nos positions et nos capacités chez nous, mais aussi pour montrer que le Monténégro est pleinement sur la voie de l’adhésion à l’UE”.
Dans un entretien avec le professeur Kenneth Morrison de la London School of Economics, demandé comment il voit le Monténégro dans 5 ans, Abazovic a énuméré les problèmes qu’il souhaite cibler pendant son mandat de vice-premier ministre, tels que l’amélioration de la stabilité économique, la lutte contre le crime organisé et la culture d’une nouvelle culture politique dans le pays.
Après des décennies de régime DPS, le Monténégro est au bord de l’effondrement économique. Le pays a une dette d’un demi-milliard d’euros envers la China Road and Bridge Corporation pour la construction de l’autoroute Bar-Boljare, et Abazovic déclare dans son interview que d’ici la fin 2020, le pays aura une dette extérieure de 100 % par rapport à son PIB. Afin de prévenir cet effondrement économique, Abazovic pense que le nouveau gouvernement aura besoin de plus de crédits de la Banque mondiale, ainsi que de recevoir une aide financière d’institutions financières extérieures à l’UE.
Cette question déborde sur la deuxième priorité d’Abazovic, à savoir la corruption et le crime organisé au Monténégro. Selon le contrôle budgétaire du Fonds monétaire international, le Monténégro perd chaque année entre 150 et 200 millions d’euros en raison de la corruption. Abazovic a déclaré : “Pour la Grande-Bretagne, ce n’est rien, mais pour le petit Monténégro, c’est un chiffre très important. Cela représente 5 % du PIB [perdu] en raison de la corruption”. Abazovic espère que ce nouveau gouvernement sera l’occasion de repartir à zéro, en supprimant les liens avec le gouvernement précédent et en luttant contre la corruption au plus haut niveau.
L’objectif de cultiver une culture politique plus ouverte au Monténégro vient après une histoire de dictature et de système de parti unique. Appelant cela un “manque de culture démocratique dans les Balkans”, Abazovic explique au professeur Morrison les dommages causés par des décennies de croyance que le fait d’avoir une opinion opposée fait de soi un “ennemi du peuple et de l’État”, appelant cet état de culture politique un “virus”. Abazovic déclare que son parti encouragera la liberté d’affiliation politique, et que le militarisme politique du passé a pris fin avec cette dernière élection.
Abazovic affirme qu’il y parviendra en se présentant et en présentant son gouvernement comme étant avec le peuple, en faisant entendre toutes les voix, en mettant effectivement fin à l’histoire de clientélisme du pays, et en encourageant les citoyens à exprimer leurs convictions politiques, plutôt que de craindre les répercussions du gouvernement sur leurs opinions.
Même si M. Abazovic croit que tous ces objectifs ne seront peut-être pas atteints après une seule élection, ce changement de pouvoir politique a été un premier pas important vers ce qui est, on l’espère, un meilleur avenir au Monténégro.